1. L’état des lieux de sortie : une obligation légale et contractuelle
Un document incontournable
L’état des lieux de sortie est obligatoire pour les baux commerciaux (article L. 145-40-1 du Code de commerce). Il permet de comparer l’état des locaux à leur entrée et à leur sortie, et de déterminer si le locataire a respecté ses obligations de remise en état.
- À l’amiable : Idéalement, bailleur et locataire s’accordent sur un constat écrit et signé.
- En cas de désaccord : Un commissaire de justice (anciennement huissier) peut être sollicité pour dresser un procès-verbal de constat, à frais partagés.
À retenir : L’absence d’EDLS ou un EDLS incomplet peut compliquer la preuve des dégradations et limiter les recours du bailleur.
2. Les conditions d’indemnisation du bailleur : ce que dit la jurisprudence
La Cour de cassation a rendu trois arrêts majeurs le 27 juin 2024 (n° 22-24502, 22-21272 et 22-10298), clarifiant les règles applicables. Voici les 4 principes clés à retenir :
Règle 1 : Le manquement du locataire doit être prouvé
Un locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations (loi ou contrat) commet un manquement contractuel. Le bailleur peut alors demander réparation du préjudice subi.
Règle 2 : La preuve du préjudice incombe au bailleur
Contrairement à une idée reçue, il n’existe pas de présomption de préjudice. Le bailleur doit apporter la preuve des dégradations ou des réparations non effectuées (arrêt n° 22-10298).
Règle 3 : L’indemnisation peut couvrir le coût des réparations, même non réalisées
Le bailleur n’est pas obligé d’avoir engagé les travaux pour prétendre à une indemnisation. Des devis peuvent suffire, mais des factures renforcent sa position en justice.
Règle 4 : Le juge évalue le préjudice à la date de son jugement
Le tribunal prend en compte les circonstances postérieures à la libération des locaux :
- Relocation à des conditions moins avantageuses (loyer réduit, franchise accordée au nouveau locataire).
- Vente des locaux à un prix déprécié en raison des dégradations.
Exemple : Si le bailleur reloue rapidement à un loyer plus élevé, le locataire sortant peut contester la demande d’indemnisation (arrêt n° 22-24502).
3. En pratique : comment sécuriser ses droits ?
Pour le bailleur
- Justifier les manquements : Photos, constats, devis ou factures sont essentiels.
- Anticiper les travaux : Réaliser les réparations avant le procès facilite la demande d’indemnisation (y compris pour l’indemnité d’immobilisation liée au temps de travaux).
- Prouver le préjudice : En cas de relocation ou de vente, démontrer un manque à gagner (baisse de loyer, décote sur le prix de vente).
Pour le locataire
- Contester les demandes abusives : Invoquer une relocation rapide à un loyer similaire ou une vente sans dépréciation peut réduire, voire annuler, l’indemnisation (arrêts n° 22-21272 et 22-10298).
4. Conseils pour éviter les litiges
- Préparer l’EDLS : Comparer systématiquement avec l’état des lieux d’entrée.
- Négocier à l’amiable : Un accord écrit évite un contentieux coûteux.
- Se faire accompagner : Un avocat ou un commissaire de justice peut sécuriser la procédure.
5. Transposition possible aux baux professionnels ?
Cette jurisprudence, bien que rendue pour les baux commerciaux, pourrait inspirer les juges pour les baux professionnels ou mixtes. Une vigilance accrue s’impose donc pour tous les types de baux.
Conclusion
L’état des lieux de sortie est un levier juridique et financier pour le bailleur, mais aussi une protection pour le locataire. La jurisprudence récente rappelle l’importance de la preuve et de la proportionnalité dans l’indemnisation. Une préparation rigoureuse et un accompagnement professionnel sont les clés pour éviter les mauvaises surprises.